fredag 9 november 2012

Maurice Magre på porslinskudden




VENEZ, TOUT DE MÊME
Vous ne m'aimez pas... Venez tout de même...
Vous vous mettrez là. Je ne dirai rien.
Il importe peu, au fond, que l'on aime
Et que vous veniez me suffira bien.
Voilà les coussins épais pour s'étendre,
Voilà le peignoir et voilà le feu.
Il n'est pas besoin même d'être tendre,
Il n'est pas besoin de sourire un peu.


Voilà le plateau, la pipe et la lampe,
Voilà les parfums et le souvenir
Et sans que ma main effleure vos tempes
Vous pourrez fumer et vous endormir.
Je regarderai sur votre figure
Monter l'ineffable et calme douceur
Comme on voit monter une lune pure
Un soir de printemps sur des champs en fleurs.
Si vous avez soif, cette boîte jaune
Est pleine d'un thé dont l'arôme est doux,
Et comme un présent aux pieds d'une icône
Je mettrai la tasse à côté de vous.


Si vous avez froid j'ai pour vous couvrir
Ce burnous arabe en laine brodée.
Je ne verrai plus de l'ombre sortir
Que les yeux mortels, les lèvres fardées...
Si vous avez mal, dans le pot de jade
Est l'opium divin qui donne l'espoir.
Vous ne saurez pas, ô ma camarade,
Que j'ai mal aussi sans le laisser voir.
Vous ne m'aimez pas... Que de choses mortes
Et que de bonheurs perdus pour toujours!
Le vent les dira ce soir à ma porte
Et nous fumerons jusqu'au petit jour.