VENEZ, TOUT
DE MÊME
Vous ne
m'aimez pas... Venez tout de même...
Vous vous
mettrez là. Je ne dirai rien.
Il importe
peu, au fond, que l'on aime
Et que vous
veniez me suffira bien.
Voilà les
coussins épais pour s'étendre,
Voilà le
peignoir et voilà le feu.
Il n'est
pas besoin même d'être tendre,
Il n'est
pas besoin de sourire un peu.
Voilà le
plateau, la pipe et la lampe,
Voilà les
parfums et le souvenir
Et sans que
ma main effleure vos tempes
Vous
pourrez fumer et vous endormir.
Je
regarderai sur votre figure
Monter
l'ineffable et calme douceur
Comme on
voit monter une lune pure
Un soir de printemps sur des champs en fleurs.
Si vous
avez soif, cette boîte jaune
Est pleine
d'un thé dont l'arôme est doux,
Et comme un
présent aux pieds d'une icône
Je mettrai la tasse à côté de vous.
Si vous
avez froid j'ai pour vous couvrir
Ce burnous
arabe en laine brodée.
Je ne verrai plus de l'ombre sortir
Que les
yeux mortels, les lèvres fardées...
Si vous avez mal, dans le pot de jade
Est l'opium
divin qui donne l'espoir.
Vous ne
saurez pas, ô ma camarade,
Que j'ai
mal aussi sans le laisser voir.
Vous ne
m'aimez pas... Que de choses mortes
Et que de
bonheurs perdus pour toujours!
Le vent les
dira ce soir à ma porte
Et nous
fumerons jusqu'au petit jour.